C’était fin
des années ’70. Je créchais dans une chambre garnie, rue Sur-La-Fontaine, à
Liège. Je ne me rappelle plus trop bien pourquoi, mais je m’étais mis en tête
de « faire du théâtre ». Je fis quelques essais dans des troupes de
maisons de jeunes et de la culture. Mais tout cela n’était guère
brillant ; ce bide, je le mis sur le compte des metteurs en scène et des
acteurs que je jugeai « très locaux «. Mon but ultime était, comme de
bien entendu, de faire du cinéma. Je tournai dans deux courtes séquences pour
les films « Jambon d’Ardenne « et « Home Sweet Home «
mais elles n’apparurent jamais sur le grand écran. Et pour cause : elles
avaient été tout simplement mises à la poubelle. Pourtant
« on » m’avait promis …
Enfin
brefle ! c’est alors que je me mis en tête de devenir journaliste. Un mien
camarade de bistrot m’avait fait sous-entendre qu’un grand quotidien, bien
connu de la capitale, cherchait de « jeunes » journalistes. «
Tu te taperas sans doute la rubrique des chiens écrasés mais, en compensation,
on te donnera l’occasion de briller par l’un ou l’autre article de ton
cru », fit mon cama. J’acceptai le challenge et Boulevard de La Saufnière,
on me donna l’occasion de faire mes preuves. J’avais en tête d’écrire une
rubrique – qui devrait vite devenir assez retentissante, n’en doutons pas !
- sur la vie sexuelle des écrivains. Ainsi, j’avais déjà le début.
J’explique : Jean-Pierre, un mien ami, qui était monté à Paris, m’avait
remis quelques lignes de son père – qui lui-même était journaliste - ainsi
rédigées :
« Francis Scott Fitzgerald et Ernest Hemingway
se retrouvent ensemble à Paris. Un jour, Fitzgerald invite son ami à déjeuner
et lui fait part d’un problème qui le tracasse profondément : d’après son
amie Zelda, son pénis est trop petit pour satisfaire les femmes. Que doit-il
faire ?
- Pas de problème, lui répond Hemingway.
Suis-moi.
Ils se
rendent tous les deux aux toilettes. Quelques minutes plus tard, ils sont de
retour à table.
- Tu vois
qu’elle est normale …
- Non,
répond Scott, elle est trop petite.
- C’est parce que tu la vois de là-haut. Si tu
la regardes de profil, elle est parfaite !
Encore une
fois, Hemingway ne manque pas de ressources : ils quittent le restaurant
pour se rendre ensemble au Louvre afin de comparer avec les statues … «
Un bon début
donc. Mais il me fallait une suite pour un premier billet. Je téléphonai à
Jean-Pierre qui me dit « Viens à Paris, j’ai pour toi un scoop, un
document unique, que dis-je : exceptionnel ! «. Impossible d’en
savoir plus, il fallait que je fasse le déplacement. Je pris donc le train. A
l’époque, c’était tout un voyage qui durait de plombes – pas comme dans ces
Thalys qui ressemblent à des paniers à salades, qui vont vite, certes, mais
dans lesquels on ne voit strictement rien et où l’on éprouve cette désagréable
impression de « non-être «. Arrivé à Paname, Jean-Pierre insista pour que
nous allions d’abord faire un tour rue Sainte-Anne où nous fîmes à peu près
toutes les chapelles, y compris les boites homos – Jean-Pierre (qui avait bien
changé, cela dit en passant) insista beaucoup . Il me laissa payer à peu près
toutes les « consommations », ce qui équivalait - un rapide calcul fait sur le train du
retour vers Liège- à un bon mois de mon
salaire de mon nouveau job de journaliste. Purée ! De retour au petit
appart de J-P., il me montra enfin ce pourquoi j’étais venu à Paname. «
Tu vas voir, c’est de l’énôôôôrme ( J.P. se prenait pour le nouveau Luchini),
c’est du trèèèès lourd ! ». Il ouvrit un tiroir et sortit un billet.
Sur un bordereau à l’entête d’un hôtel de la rue Saint-André-Des-Arts, je pus
lire ces quelques mots : « Sartre a une petite bite », et en
signature : « Albert Camus ». Je restai bouche bée. «
C’est tout ? », dit-je mi. « Attends ! Tu veux rire, c’est éééénorme !
« . Il me réclama – J.P. ne perd jamais le nord ! – pour ce «
scoop « une somme qui dépassait l’entendement. On coupa la poire en deux.
J’eus cependant la très désagréable impression d’être la seule poire dans toute
cette histoire parisienne.
De retour à
Lîdge, j’écrivis, avec un certaine rage, le premier article « de mon cru «.
Il parut un lundi matin. Des dizaines, des centaines de lecteurs écrivirent au
bureau du journal en m’injuriant. « Quel était ce crétin congénital qui
se permettait de traîner dans la boue quatre parmi les plus grands écrivains du
XXème ? «. L’on menaça même de résilier des abonnements… Mon compte était
bon ! Ainsi prit fin ma courte carrière d’acteur et de journaliste-essayiste…
Catinus
En bonus,
Jean-Pierre de Miles Davis :
https://www.youtube.com/watch?v=v1_nUawMfeM
De Frank Zappa, "Penis dimension " :
De Frank Zappa, "Penis dimension " :
https://www.youtube.com/watch?v=-JgWriSw5Fg
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J'ai soumis ce texte à un site littéraire. Voici le lien :
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